Points de langue

Le blog de moncorrecteur.net

En plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.

 

 

 

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Créer des noms cohérents dans un univers imaginaire

05/11/2022

Créer des noms cohérents dans un univers imaginaire

J’ai le plaisir de corriger régulièrement des romans de fantasy ou de science-fiction, et ça tombe bien, j’adore ça. Je prends à cœur d’intégrer des remarques d’ordre linguistique pour assurer l’homogénéité de vos univers, parce que je considère que c’est un socle fondamental qui sert la crédibilité de l’œuvre. C’est pourquoi je voulais partager les points qui reviennent le plus souvent dans mes annotations, ainsi que des pistes que vous pourrez choisir de suivre pour vos prochaines créations.


Cet article s’adresse à vous, adeptes, auteurs et autrices de littérature de l’imaginaire. Qui n’a pas hésité en déclinant un nom inventé pour en faire un adjectif ? Qui n’a jamais été perdu par des mots propres à l’univers que nous parcourons des yeux parce que les terminaisons ajoutées n’avaient aucun sens ?


Aujourd’hui, je vais m’attarder sur les points qui me semblent importants pour assurer une certaine cohérence linguistique à son récit, qui en sort enrichi.

 

Il s’agit d’un article d’opinion, comme l’était celui sur le Certificat Voltaire que vous pouvez retrouver ici. De fait, n’hésitez pas à être en désaccord avec moi, et j’omets sans aucun doute des éléments qui vous tiennent à cœur...

 

 

Sommaire

Travailler les graphies
Former les adjectifs
Créer des mots de toutes pièces
Mener des recherches étymologiques
Conclusion
Sources

 

 

1. Travailler les graphies

Lorsqu'on invente ou reprend un nom à son compte, on détermine rapidement s’il convient d’ajouter une majuscule initiale ou non. Pour ceux des personnages, par exemple, c’est très facile de se souvenir qu’ils en prennent une. Et les traits d'union ? Et la correspondance phonétique ? Pas évident !

Qu’en est-il si l’on forme un titre honorifique ou qu’on évoque quelque chose par une périphrase ? Ou tout simplement quand on utilise un titre qui existe déjà, mais qui indique une réalité précise dans l’univers que l’on crée ?

 

Les maîtres mots pour travailler vos graphies sont liberté et cohérence. Peu importe si vous écrivez « la grande-duchesse du bois des Fées » pour désigner « Gruntilda l’éloquente », du moment que vous vous tenez à la place du trait d'union et des majuscules (sauf, bien sûr, si l’intrigue entraîne un changement ou qu’un personnage veut volontairement modifier l’importance qu’il accorde à un autre).
Peut-être que vous écrirez plus loin, sans y penser, « Grande Duchesse du bois des fées, Gruntilda l’Éloquente » ou « grande Duchesse du Bois des fées », allez savoir. Mieux vaut éviter et réfléchir à l'harmonisation en amont de l'écriture.

Essayez de conserver cette logique pour les traits d'union et pour les manières d'écrire des mots qui semblent voisins, susceptibles d'être prononcés par vos personnages d'une certaine façon.

Veillez à l’harmonisation de vos graphies tout au long du texte, sauf si une modification est justifiée.

 

Alors, comment assurer la cohérence quand on utilise une quantité folle de termes, de noms propres, de titres honorifiques, etc. ?

Réfléchissez à ce que les majuscules, les traits d'union et même la manière de prononcer les mots signifient dans votre univers. Pourquoi ne pas mettre de majuscules à « grande duchesse » alors que l’on vient d’en accorder une au « Grand Comte des Dragons » ?

C’est valable pour tout : si vos personnages parlent du « Château » pendant tout le livre, mais que vous laissez une ou deux occurrences du « château », comment feront vos lecteurs pour comprendre qu’il s’agit du même lieu ? Si le « Château » en question désigne un lieu précis, important, identifiable par les personnages, alors gardez la majuscule.

 

Si les incohérences n’ont pas de raison d’être – sachant qu’il est parfaitement possible qu’une incohérence soit réfléchie –, pensez à harmoniser vos graphies pour que vos choix dénotent un monde construit et crédible.

Pour ce faire, prenez des notes, arrêtez vos décisions et intégrez-les à vos fiches de personnages afin de vous faciliter le travail.

 

 

2. Former les adjectifs

Le deuxième point à garder en tête, c’est que les adjectifs tirés de noms propres, inventés ou non, sont avant tout des adjectifs ! Ils perdent la majuscule et varient en genre et en nombre (si vous ne choisissez pas de les rendre invariables). 


« Cette Française est autrice, elle écrit des thrillers. »
« Cette autrice française écrit des thrillers. » 


Dans la seconde phrase, « française » est adjectif et perd la majuscule. 

 

 

Si nous revenons à notre chère Gruntilda l’éloquente, on prendra garde d’écrire qu’elle est « du bois des Fées » – si « Fée » désigne un peuple –, mais qu’elle dirige « le peuple fée ». Je lis trop souvent des noms de peuplades sans majuscule et des adjectifs qui en prennent sans aucune raison !


« Les Fées ont un goût prononcé pour le fromage. » 
« La culture fée est très axée sur le fromage. »

 

 

Et dans le cas d’un adjectif qui pourrait prendre la marque du féminin ? À vous de trancher, vous êtes libres, mais encore une fois, restez cohérent·e·s pendant tout le texte.


« Les Dragons préfèrent le chocolat »
« La culture – choisissez “dragon”, “draconique”, voire “dragonne” (pourquoi pas ?) – déifie le chocolat. »

 

L’important est de donner du sens à ce que vous écrivez. Prenez soin de vos adjectifs, ils enrichissent votre univers.

 

 

3. La création de toutes pièces

Dans le cas des noms ou adjectifs complètement inventés, je lis souvent l’invariabilité ; soit parce que l’on ne pense pas forcément à décliner ses mots, soit par facilité – ce qui est tout à fait valable et même recommandé avec certaines terminaisons. 

 

Mais dans le cas de la variabilité, le plus simple est d’appliquer les règles classiques du français :


« Le territoire bloublou comprend quantité de vignobles. »  
« La reine des Bloublous aime le jus de raisin. »  
« La reine bloubloue aime le jus de raisin. »  


Mais rien ne vous empêche d’écrire « La reine des Bloubloux » et « la reine bloubloute » si vous préférez !

 

 

Personnellement, j’aime aussi quand l’auteur invente un système propre à son monde, différent du français :


« La reine des Bloubloubih aime le jus de raisin. »
« La reine bloublouba aime le jus de raisin. »

 
Ici, la terminaison -bih est un pluriel alors que la terminaison -ba est un féminin. Dans cet univers et pour désigner des peuples dans cette langue, c’est la règle. Et c’est parfaitement acceptable, du moment que l’auteur·ice reste cohérent·e et respecte ce qui est déjà déterminé. Bien sûr, vous pouvez sciemment choisir de bouger les règles en fonction de dialectes ou d’autres contextes (attention néanmoins à ne pas noyer le lectorat).

 

 

4. La recherche étymologique

Vous avez peut-être entendu parler de J. R. R. Tolkien, créateur d’Arda et de toute sa mythologie. Eh bien, sa passion pour la linguistique – qui était aussi accessoirement son métier – n’est pas étrangère à la cohérence de la Terre du Milieu et des différentes langues que parlent les nombreux peuples. Non content d’inventer une multitude de dialectes, il les a fait évoluer dans son univers en fonction du temps et de l’espace, en dotant chacun d’une histoire, de règles grammaticales, d’un vocabulaire et d’usages spécifiques. Tout a un sens, la cohérence est folle et une bonne partie de ses créations proviennent de recherches sur des langues réelles, parfois anciennes. Ainsi, le terme « Arda », qui désigne le monde chez Tolkien, peut venir de l’arabe et de l’allemand.

 

Bien sûr, peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent approfondir les langues au point de concevoir un univers linguistique de cette envergure, mais je pense qu’il est parfaitement légitime de réfléchir au sens que l’on donne à nos créations. Je vois parfois des sites qui proposent des « générateurs de noms » de telle ou telle culture. Il suffit d’y piocher pour ne pas se casser la tête et disposer de la liste complète des personnages de son prochain livre qui s’inspirera de la culture en question. Cette solution est viable, mais ne serait-il pas plus intéressant à la fois pour l’auteur·ice et pour l’univers créé de disposer de vocables cohérents ? N’hésitez pas à former vos mots inventés en prenant des dictionnaires de langue pour tenter de souder plusieurs termes. Par exemple, si vous écrivez un roman inspiré de la culture indienne, vous pouvez donner à une figure d’autorité un nom composé de mots qui signifient « grand » et « seigneur » (ou de « laid » et « roi » par exemple, en fonction du personnage) tout en ajoutant votre propre système étymologique.

 

Avec cette méthode, qui demande du temps, les possibilités sont infinies et vous constaterez qu’une cohérence de forme et de fond naît de tout le travail que vous abattez.

 

 

5. Conclusion

Vous l’avez compris, ce que je voulais vous écrire dans cet article, c’est que vous êtes libres de créer tout ce que vous imaginez ; avec réflexion et surtout cohérence au sein d’une même œuvre. Définissez des graphies et des déclinaisons, inventez des mots, faites-les vivre et enrichissez vos univers.

 

 

Sources

Lexique des règles typographiques en usage à l’imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.
 
... et mon expérience récente !

Plus d’un verbe est difficile à accorder

03/10/2022

Plus d’un verbe est difficile à accorder

L’accord des verbes avec les sujets complexes, tout un pan de notre langue que nous utilisons quotidiennement sans vraiment y penser ! Vous ne voyez pas ? Mais si, un sujet complexe c’est quand on ne se contente pas d’un « je » ou de « ma sœur » pour définir qui réalise l’action exprimée par le verbe. Par exemple quand deux sujets sont coordonnés (« Hélène et mon voisin pourront nourrir le chat ») ou que c’est en fait une locution qui joue ce rôle, comme dans  « la majorité s’abstient » ou « la plupart votent blanc ».  Remarquez comment le verbe ne se conjugue pas de la même manière s’il suit la majorité ou la plupart ! C’est parce qu’il y a tout un ensemble de règles à retenir ; c’est pour ça qu’on aime le français, n’est-ce pas ?


Voyons aujourd’hui le sujet complexe plus d’un·e, qui ne manque pas d’en faire hésiter…

 

Sommaire

Cas général
Verbe réciproque
Répétition de plus d’un·e
En résumé
Sources

 

1. Cas général

Si l’on s’arrête deux secondes pour réfléchir, on peut penser que l’accord devrait respecter le sens. Après tout, plus d’un·e signifie qu’on a affaire à une quantité supérieure à un ! Alors, on conjugue le verbe au pluriel ? Eh bien, non. La règle générale demande le singulier.


En général, quand plus d’un·e est le sujet d’un verbe, celui-ci se conjugue au singulier.


Plus d’une étudiante aime la tranquillité de la bibliothèque.

 


2. Verbe réciproque

Ce serait trop simple d’en rester là. Les verbes pronominaux, que nous aimons tous, peuvent être réciproques. C’est-à-dire qu’ils peuvent exprimer une action réalisée mutuellement, réciproquement. 

Comme dans la phrase : « Elles se sont écrit hier. »


Dans ce cas, si le sujet est plus d’un·e, le verbe réciproque s’accorde au pluriel.


Plus d’un ministre se protègent.


Ici, la phrase signifie que les ministres se protègent les uns les autres, réciproquement. Le verbe est au pluriel.


Attention ! Si le verbe pronominal est réfléchi (et non réciproque), autrement dit si le sujet réalise l’action sur lui-même, le verbe reste au singulier. D’où l’importance de bien analyser les verbes pronominaux ! (Je vous renvoie vers l’article consacré en cliquant ici.)


Plus d’un ministre se cache derrière ses mensonges.


Ici, la phrase signifie que chaque ministre se cache individuellement, lui-même. Le verbe reste au singulier.

 


3. Répétition de plus d’un·e

Si plus d’un·e est répété, il forme un sujet coordonné, et le verbe sera nécessairement au pluriel.


Plus d’une fille, plus d’un garçon aiment jouer à la poupée.

 


4. En résumé

Lorsque plus d’un·e est le sujet d’un verbe, ce dernier se conjugue la plupart du temps au singulier. 


Mais si plus d’un·e est répété ou que le verbe qui suit exprime une action réciproque, le verbe se conjugue au pluriel.

 


Sources

CLAEREBOUT, M.-F., Optimiser son score au certificat Voltaire, Paris, PUF, 2019.


« Sujet plus d’un(e)… : accord du verbe », Guide de grammaire, Antidote 11, version 2.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.

Comprendre et utiliser les espaces

03/09/2022

Comprendre et utiliser les espaces

Lorsque je reçois des demandes de devis, on m’indique souvent le nombre de mots, voire le nombre de pages… Ce sont des données insuffisantes pour établir un prix, car les correcteurs professionnels ne vérifient pas uniquement la bonne graphie des mots, mais bien chaque caractère ! Cela comprend donc la ponctuation et la typographie, dont les espaces.


D’ailleurs, je rappelle en passant qu’en typographie, le mot espace est féminin : ici, on dit bien une espace.


On sous-estime souvent leur importance, ce qui peut mener à des monstruosités comme des dialogues où les répliques ne sont pas alignées mais commencent après un tiret suivi d’une espace de taille variable. On peut se retrouver avec des guillemets ouvrants qui terminent des lignes ou des points-virgules qui en commencent une. Bref, sans gestion des espaces, votre mise en page risque d’être loin d’une qualité professionnelle.


Que sont les espaces et à quoi servent-elles ?

Les espaces sont les blancs occupés par aucun caractère, qu’on laisse entre les mots et les entre les phrases (bon, c’est un rappel de principe, voilà la question évacuée).

Notez que les règles que j’expose ici sont valables selon les normes françaises, qui diffèrent des normes suisses et québécoises.

 

 

Sommaire

Les espaces justifiantes
Les espaces insécables
Les espaces fines insécables
Sources

 

 

1. Les espaces justifiantes

Les espaces justifiantes sont celles de tous les jours, que vous tapez en appuyant sur la barre d’espace de votre clavier. Pourquoi ce nom de « justifiantes » ? Parce que leur taille varie pour permettre de justifier les lignes. Vous savez, cette option qui permet d’aligner les caractères à droite en fin de ligne pour un rendu plus propre. (Et que je n’utilise pas sur le présent blog tout simplement parce que l’éditeur de texte de mon site ne permet pas de gérer les espaces correctement…)


En typographie et en imprimerie, on dit que les espaces justifiantes ont une chasse qui varie, la chasse étant ici la « place horizontale » que prend un caractère sur une ligne.


Si les espaces justifiantes permettent donc d’aligner proprement les lignes à droite, on remarque souvent qu’elles laissent des blancs de taille variable, parfois très disgracieux, surtout quand on utilise des mots longs sans coupure. Placées partout en lieu et place d’autres types d’espaces, elles créent des décalages d’alignement, par exemple après les tirets des dialogues ou les guillemets.


Ces espaces restent néanmoins très majoritaires, puisqu’elles se placent entre la plupart des mots et après quantité de signes de ponctuation : virgule, point, point-virgule, points d’exclamation et d’interrogation, deux-points, guillemet fermant, parenthèse fermante et crochet fermant.

 

 

Bonjour, je ne comprends pas bien la différence entre les types d’espaces.


Cette phrase ne comporte que des espaces justifiantes.

 

 

2. Les espaces insécables

Les espaces insécables, comme leur nom l’indique, ne peuvent pas être coupées en fin de ligne. Cela permet d’éviter que des signes de ponctuation se retrouvent seuls en début de ligne ou que des mots ou des chiffres qui devraient rester proches se retrouvent sur deux lignes séparées.

 


«Il est 13h30, madameMonique.»


Cette phrase devrait comprendre cinq espaces insécables que je matérialise ici par des tirets demi-cadratin rouges : une entre le guillemet ouvrant et le premier mot, une entre 13 et h, une entre h et 30 pour éviter que l’heure ne soit coupée, une entre madame et Monique et enfin une avant le guillemet fermant pour éviter qu’elle se retrouve seule en tête de ligne.


Sans les espaces insécables, voilà ce que la mise en page pourrait donner sur une ligne bien trop étroite :


« Il est 13
h 30, madame
Monique. »


Ces coupures inélégantes nuisent à la lecture et à la compréhension du texte, c’est pourquoi elles sont éliminées par l’emploi des espaces insécables.

 

 

De plus, les espaces insécables conservent la même taille (chasse, ou largeur, si vous préférez), ce qui permet de facilement aligner des éléments.


— Bonjour, madame.
— Mais non, c’est moi qui vous souhaite le bonjour.


Sans les espaces insécables sur un paragraphe justifié, on pourrait avoir :


—        Bonjour, madame.
— Mais non, c’est moi qui vous souhaite le bonjour.

 

 

Ces espaces sont aussi très utilisées, on les retrouve notamment avant un deux-points et à l'intérieur des guillemets. J’en place également après un tiret cadratin de dialogue pour l’alignement. Enfin, je les utilise aussi pour les heures et les dates (jeudi22juillet), les différents symboles (13€, 25%...), avant les noms de famille et les mots liés à des chiffres (page3...).

Ainsi, je garde le contrôle des espaces et je sais qu’à la mise en page, ce qui doit rester sur la même ligne le restera. Essayez, la différence est flagrante !


Vous pouvez insérer manuellement vos espaces insécables sous macOS avec la combinaison des touches option + barre d’espacement. Sous Windows et Linux, utilisez la combinaison Ctrl + maj + barre d’espacement.

 

 

3. Les espaces fines insécables

Pas de mystère pour les espaces fines insécables, qui se comportent comme les espaces insécables classiques, mais en plus étroites. De fait, leur utilisation n’est pas obligatoire, d’autant que tous les logiciels ne les prennent pas en charge, mais elles sont recommandées par les normes afin de permettre une typographie plus soignée. 

Si vous utilisez un logiciel de publication assistée par ordinateur (PAO), elles ne devraient pas vous poser problème ; en revanche, la plupart des traitements de texte font l’impasse (c’est le cas pour Word par exemple).

 

 

Allons, n’exagérez pas-; le soleil est déjà haut-!


Cette phrase contient deux espaces fines, que je signale avec des traits d’union verts.

 

On les utilise devant les signes de ponctuation suivants : point-virgule, point d’interrogation et point d’exclamation. On place aussi une espace fine avant les appels de note (astérisques ou chiffres qui renvoient à une note de fin ou de bas de page). Enfin, le logiciel Antidote suggère de les placer à l’intérieur des guillemets, contrairement à la règle annoncée par l’imprimerie nationale. À vous de voir.


Plutôt rares, les espaces fines sont donc là surtout pour affiner votre typographie, apporter de la nuance dans la présentation du texte. Notez comment les livres publiés par des maisons d’édition professionnelles présentent des espaces de tailles différentes, sans tomber dans le bazar incohérent que peut donner une utilisation exclusive des espaces justifiantes.


Personnellement, j’utilise le caractère Unicode suivant : espace insécable étroite (U+202F).

Word affiche alors une espace de même largeur qu’une insécable classique (qui n’est même pas représentée avec l’affichage des marques de mise en forme), mais le caractère est bien pris en compte si l’on copie le texte vers un logiciel de PAO comme Scribus.

 

 

Conclusion

Ne sous-estimez plus l'importance des espaces ! Si vous publiez en auto-édition, concentrez-vous sur les espaces insécables qui sont vraiment déterminantes pour la mise en forme finale du texte. 

Vous donnerez à votre texte un caractère professionnel, agréable à parcourir pour vos lecteurs et lectrices.

 

Vous comprenez maintenant pourquoi je demande le nombre de signes avec espaces pour établir un devis !

Ce sont aussi des caractères à corriger qui peuvent beaucoup modifier l'aspect d'un texte.

 

 

Sources

« Espacement requis selon le contexte », Guide de typographie, Antidote 11, version 2.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.


Lacroux, Jean-Pierre, Orthotypographie, sous licence creative commons qu’on peut consulter sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/, 2007.


Lexique des règles typographiques en usage à l’imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.

Tout, adverbe

24/06/2022

Tout, adverbe

Parce que la mer est toute houleuse, la surfeuse est tout hésitante.


L’adverbe tout est un peu particulier, ses règles d’accord peuvent piéger les auteurs inattentifs. Revenons dessus en quelques points.

 

Sommaire

Reconnaître l’adverbe tout
Accorder l’adverbe tout
Différencier les h muets et les h aspirés.
En résumé
Sources

 

1. Reconnaître l’adverbe tout

Premièrement, il faut être capable d’identifier l’adverbe tout. Vous me direz que ce n’est pas un mot très difficile à lire… ce à quoi je répondrai qu’on n’imagine pas forcément l’ensemble des natures qu’il peut revêtir. Le mot tout peut en effet être un nom (« je prends le tout »), un pronom indéfini (« nous prônons l’égalité pour tous »), un adjectif indéfini (« il envoie un message à tous ses potes »), un déterminant indéfini (« tout contrevenant sera pardonné »), ou un adverbe (« vas-y tout doucement »).


Dans ce dernier cas, qui nous intéresse ici, il faut retenir que tout signifie « complètement », « tout à fait », ou « le plus possible » et qu’il joue son rôle en complétant le sens du mot auquel il se rattache. Si, dans la phrase qui vous pose problème, tout est mis pour « n’importe quel », « chaque » ou « la totalité », c’est qu’il n’est pas adverbe.

 


Ses tee-shirts sont tout déchirés.


La phrase signifie que ses tee-shirts sont complètement déchirés, tout est adverbe.

 

 

Ses tee-shirts sont tous déchirés.


Ici, la phrase signifie que la totalité de ses tee-shirts est déchirée. Tous est adjectif indéfini. Il est d’ailleurs possible de placer tous en tête de phrase : Tous ses tee-shirts sont déchirés.

 

 

 

2. Accorder l’adverbe tout

En général, les adverbes sont invariables. C’est valable pour tout dans beaucoup de cas : devant les mots masculins, les mots féminins qui commencent par une voyelle et les mots féminins qui commencent par un h muet.

Son front est tout rouge.

La trottinette est tout abîmée.

 


En revanche, pour faciliter la prononciation, tout s’accorde en genre et en nombre devant les mots féminins qui commencent par une consonne ou par un h aspiré.

 

Les voitures sont toutes cabossées.
La mer est toute houleuse.

 


Facile ! Reconnaître un mot masculin ou un mot qui commence par une consonne est à la portée de tous. Mais, et les h dans tout ça ?

 

 

3. Différencier les h muets et les h aspirés.


En rentrant de vacances, elle est toute hâlée, mais tout hébétée par le soleil.


Retenez que tout s’accorde devant un h aspiré, mais reste invariable devant un h muet.

En français, le problème est que les deux se prononcent de la même façon, ce qui rend la règle difficile à appliquer. La méthode la plus sûre est de consulter un dictionnaire : si vous lisez que « l’élision est obligatoire », cela signifie que le h est muet ; si vous lisez que « l’élision est interdite », alors le h est aspiré.


Pour l’anecdote, les guides du logiciel Antidote nous apprennent que la différence vient de l’étymologie (même s’il y a des exceptions). Les h initiaux des mots d’origine latine ou grecque ne se prononcent pas depuis l’antiquité, ils ont donné le h muet. Les h initiaux des mots français d’origine germanique ont été prononcés jusqu’à la fin du Moyen-Âge, ils ont donné le h aspiré (que l’on entend bien en anglais, par exemple).

 

 

Et si le dictionnaire est rangé tout en haut de l’étagère et que les cours d’étymologie sont au placard ?

Il existe une méthode plus simple à appliquer : trouvez un nom de la même famille que l’adjectif qui pose problème. Si vous pouvez élider le déterminant qui le précède, c’est que le h est muet ; sinon c’est qu’il est aspiré.

 


Par exemple, comment écrire tout devant honteuse ?


Honteuse/la honte/(*l’honte* est impossible). Le h est aspiré, on écrit donc qu’elle est toute honteuse. Si vous reprenez les exemples présents dans cet article, vous constatez qu’on ne peut pas élider la houle ni le hâle. Houleuse et hâlée commencent donc par un h aspiré, ce qui explique l’accord de tout.

 


Comment écrire tout devant habillée ?


Habillée/l’habit/(*le habit* est impossible). Le h est muet, on écrit qu’elle est tout habillée. De même, on élide l’hésitation et l’hébétude, qui commencent donc par un h muet. Tout reste invariable.

 

C’est tout simple, non ? (Non.)

 

 

4. En résumé

L’adverbe tout est invariable devant un mot masculin, un mot féminin qui commence par une voyelle ou un mot féminin qui commence par un h muet.


On accorde l’adverbe tout devant un mot féminin qui commence par une consomme ou par un h aspiré.

 

 

Sources

CLAEREBOUT, M.-F., Optimiser son score au certificat Voltaire, Paris, PUF, 2019.
LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.

 

« Mots demandant l’élision ou la disjonction », Guide de grammaire, Antidote 11, version 1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2021.
« Tout, adverbe : accord », Guide de grammaire, Antidote 11, version 1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2021.

Les participes passés suivis d’un infinitif

07/05/2022

Les participes passés suivis d’un infinitif

L’accord des participes passés est l’une des plus grandes difficultés de la langue française. La dernière fois que j’ai abordé le sujet, c’était pour vous présenter comment accorder les participes passés des verbes pronominaux dans l'article que vous pouvez consulter en cliquant ici. Aujourd’hui, je vais traiter de l’accord des participes passés suivis d’un verbe à l’infinitif, un sujet un peu plus simple, mais qui suscite parfois beaucoup d'hésitations.

 

Sommaire

Règle générale

Les verbes faire et laisser

En résumé

Sources


1. Règle générale

Le participe passé suivi d’un infinitif s’accorde avec le complément d’objet direct (COD) placé avant si celui-ci complète bien le participe en question, et non le verbe à l’infinitif. 

Prenons quelques exemples pour y voir plus clair :

 


Nous/avons/voulu/jouer.
Sujet/auxiliaire/participe passé/COD


Le COD est placé après le participe passé, qui reste invariable.

 

 

Les maisons qu’/elle/a/vu/construire.
COD/sujet/auxiliaire/participe passé/infinitif.


Dans cette phrase, le COD est placé avant le participe passé.
Le COD complète le verbe à l’infinitif, car il répond à la question « elle a vu construire quoi ? » (la maison), il ne répond pas à la question « elle a vu quoi ? » (« la maison construire » n’aurait pas de sens).

Autrement dit, la maison est construite.
Le COD ne complète pas directement le participe passé, qu’on n’accorde pas.

 

 

Les athlètes qu’/ils/ont/vus/concourir.
COD/sujet/auxiliaire/participe passé/infinitif.


Ici aussi, le COD précède le participe passé.
Le COD complète le participe passé, car il répond à la question « ils ont vu qui ? » (les athlètes concourir). 
Le COD placé avant le participe passé le complète directement, on accorde.

 

 

Voici une manière très simple d’appliquer cette règle qui peut sembler complexe : on accorde le participe passé si le COD placé avant réalise l’action exprimée par le verbe à l’infinitif.

Certains grammairiens parlent de « sujet sous-entendu » que vous pouvez intercaler entre le participe passé et le verbe à l’infinitif.
Dans les exemples que nous avons vus, ce sont bien les athlètes qui concourent, mais ce n’est pas la maison qui construit. On peut dire qu’« ils ont vu les athlètes concourir », mais pas qu’« elle a vu les maisons construire ». 
Ce sont les athlètes qui réalisent l’action de concourir (accord), mais les maisons ne réalisent pas l’action de construire (pas d’accord). 

 

 

2. Les verbes faire et laisser

La règle à appliquer au verbe faire est plus simple : son participe passé suivi d’un infinitif ne s’accorde jamais.


Les filles que j’ai fait danser.


Notez que ce sont bien les filles qui dansent, mais que fait reste invariable.

 

 

Selon l’orthographe traditionnelle, le verbe laisser suit la règle générale. Mais depuis la réforme de l’orthographe de 1990 (cliquez ici si vous souhaitez consulter mon article à ce sujet), il est recommandé de ne jamais accorder le participe passé de laisser suivi d’un infinitif.


Les enfants que j’ai laissés chahuter. (Orthographe traditionnelle)
Les enfants que j’ai laissé chahuter. (Orthographe rectifiée)

 

 

3. En résumé

On accorde les participes passés si le complément d’objet direct placé avant réalise l’action exprimée par le verbe à l’infinitif.


On n’accorde pas le participe passé du verbe faire s’il est suivi d’un infinitif.


On peut accorder au complément d’objet direct placé avant le participe passé du verbe laisser suivi d’un infinitif si l’on souhaite suivre l’orthographe traditionnelle. On n’accorde pas le participe passé du verbe laisser suivi d’un infinitif si l’on préfère l’orthographe rectifiée.

 

 

Sources

LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.


« Accord du participe passé suivi d’un infinitif », Guide de grammaire, Antidote 11, version 1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2021.

Le blog

Sur moncorrecteur.net, en plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.

 

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