© 2022 Pierre Van Hoeserlande
© 2022 Pierre Van Hoeserlande
En plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.
09/03/2023
J’évoquais le cas des sujets complexes dans mon article à propos de plus d’un·e, que vous pouvez retrouver en cliquant ici.
Aujourd’hui, je m’intéresse aux sujets qui comprennent un nom collectif, c’est-à-dire un nom qui peut être au singulier tout en exprimant une idée de pluralité.
Sommaire
1. Le nom collectif employé seul
2. Le nom collectif avec un complément
3. La plupart
En résumé
Sources
1. Nom collectif seul
Pour y voir plus clair, prenons quelques exemples de noms collectifs : une foule, une multitude, un ensemble, la totalité, une série, une équipe… Vous avez le choix !
Maintenant, voyons comment on accorde un verbe quand un de ces mots est utilisé seul comme sujet.
Le groupe assura une première partie mémorable.
Ici, le sujet le groupe représente plusieurs musiciens, mais le verbe assurer est conjugué au singulier.
Les troupes encerclèrent même les manifestants pacifiques.
Dans ce deuxième exemple, le sujet les troupes est au pluriel, tout comme le verbe.
Le verbe s’accorde donc avec le nom collectif sujet employé seul, que celui-ci soit au singulier ou au pluriel.
2. Nom collectif avec un complément
Si le nom collectif et son complément sont tous les deux au pluriel ou tous les deux au singulier, on accorde bien entendu le verbe avec le nombre du sujet et de son complément.
Des hordes de syndicalistes appelèrent à la grève générale.
Le nom collectif sujet peut être suivi d’un complément de nombre différent (le plus souvent, un nom collectif au singulier et un complément au pluriel).
Une armée de manifestants défilèrent pour lutter contre la destruction de notre système social.
Avec cet exemple, j’insiste sur l’idée de pluralité en accordant le verbe avec le complément manifestants.
Le groupuscule d’hypocrites hésita à faire passer la loi en force.
Ici, j’insiste sur l’idée d’unité, de tout, en accordant le verbe non pas avec le complément, mais avec le nom collectif groupuscule.
Dans le cas d’un nom collectif singulier suivi d’un complément au pluriel, on peut accorder le verbe au singulier ou au pluriel en fonction de ce sur quoi on veut insister.
Les guides de grammaire du logiciel Antidote précisent qu’il est plus courant d’utiliser le pluriel pour un nom collectif introduit par un article indéfini (un, une) et que le singulier est préférable pour un nom collectif introduit par un déterminant défini, démonstratif ou possessif.
3. La plupart
Quand le nom collectif la plupart est employé sans complément, le verbe s’accorde au pluriel.
La plupart s’abstiennent.
Si la plupart est suivi d’un complément, le verbe s’accorde avec ce dernier. (Mais le singulier est très rare.)
La plupart des manifestants ont plus d’une raison de défiler.
La plupart du monde présent a plus d’une raison de défiler.
En résumé
Le verbe s’accorde avec le nom collectif employé seul.
Le verbe s’accorde avec le nom collectif qui a un complément pluriel pour insister sur l’idée de globalité, de tout.
Le verbe s’accorde avec le complément pluriel d’un nom collectif pour insister sur l’idée de multitude, de pluralité.
Le nom collectif la plupart est presque toujours suivi d’un verbe au pluriel, même s’il n’a pas de complément.
Sources
LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.
« Accord avec le sujet », Guide de grammaire, Antidote 11, version 3.1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
02/02/2023
S’il y a un point commun entre tous les manuscrits que je corrige, c’est bien la relative légèreté avec laquelle sont traitées les citations. Ponctuation placée à l’intérieur ou à l’extérieur des guillemets sans raison, utilisation d’un seul type de guillemets dans des citations imbriquées, deux-points égarés… Le problème vient surtout des incohérences que je relève souvent au sein d’un même livre.
Dans cet article, je prends le temps de vous expliquer une logique à suivre pour que vos citations soient claires et cohérentes. Les possibilités étant très complexes, j’insère des cas particuliers dans mes exemples.
Sommaire
1. Qu’est-ce qu’une citation ?
2. Les guillemets
3. La ponctuation
4. Les références
En résumé
Sources
1. Qu’est-ce qu’une citation ?
D’après le dictionnaire d’Antidote, une citation est un « passage d’un auteur, d’un texte rapporté exactement ». Tenez, cette définition est elle-même une citation ! C’est une définition que je trouve plus juste que celle du Robert, qui met plutôt l’accent sur la notabilité de l’auteur que l’on cite, et elle a le mérite d’être claire.
Dans le Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale, la définition est complétée ainsi : « Les paroles et pensées attribuées à des personnages et rapportées en style direct, isolées ou constituant des dialogues […], les lettres citées, les vers cités, les devises, dictons, maximes et proverbes. »
Cas particulier 1 : citation abrégée
La partie manquante d’une citation abrégée est remplacée par des crochets encadrant des points de suspension : […].
Si l’on abrège une fin de citation, on peut insérer des points de suspension à la fin, à l’intérieur des guillemets, ou bien l’abréviation etc. à l’extérieur des guillemets.
Le problème avec les définitions issues des dictionnaires, c’est qu’elles ne nous aident pas à composer des citations.
Voyons donc comment façonner proprement des citations dans nos écrits. Je propose ici un système qui me semble employé majoritairement, et à raison, puisqu’il permet de composer avec une clarté et une flexibilité sans failles. Notez cependant qu’il n’y a pas de règle immuable, surtout des bonnes habitudes, et qu’il convient d’adapter ses pratiques en fonction du contexte, du moment que l’on reste cohérent au sein d’un même manuscrit.
2. Les guillemets
A) Règle générale
La règle d'or est simple : composez les citations entre guillemets français (« et »).
Le guillemet ouvrant est suivi d'une espace insécable (ou fine, selon les usages), et le guillemet fermant est précédé d'une espace insécable (ou fine). Pour plus d'informations sur les espaces, je vous renvoie à cet article.
« Ceci est une citation. »
Les points suivants sont plus situationnels, mais il convient de les connaître pour savoir quoi faire le moment venu.
B) Longue citation
Si la citation est très longue et qu’elle comprend un ou plusieurs alinéas (retours à la ligne volontaire, pourrait-on dire, qui mettent souvent en avant une autre idée), ajoutez un guillemet ouvrant en début d’alinéa, mais ne laissez qu’un seul guillemet fermant en fin de citation.
« Un jour, César ma dit que sa psychose névrotique était causée
par un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien. Une histoire
avec sa mère, ou quelque chose comme ça. Et moi qui pensais qu’il
était sain d’esprit !
« J’ai toujours trouvé que sa mère était absente. À ce propos… »
Cas particulier 2 : fausses citations
Les fausses citations sont traitées de la même façon que les vraies.
C) Les citations de deuxième rang
Si votre citation comprend elle-même une citation, je vous conseille de suivre la méthode moderne qui consiste à hiérarchiser les différents types de guillemets, contrairement à ce que recommande l’Imprimerie Nationale (qui préfère l’usage exclusif du guillemet français, au risque de nuire à la lisibilité).
Ainsi, encadrez vos citations de premier rang par des guillemets français, et celles de deuxième rang par des guillemets anglais doubles.
« Un jour, César m’a dit qu’il avait “tout fait pour accaparer le
pouvoir en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien
ayant causé un désir de contrôle de l’ordre de la psychose névrotique”. »
L’usage traditionnel (et aujourd’hui désuet), requiert un guillemet français ouvrant (ou fermant, pour Lacroux dans son dictionnaire raisonné Orthotypographie) au début de chaque ligne pour la citation de deuxième rang, à vous de juger. C’est ce que l’on appelle les « guillemets continus », mais j'évite de les utiliser.
« Un jour, César m’a dit qu’il avait « tout fait pour accaparer le
« pouvoir en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus freudien
« ayant causé un désir de contrôle de l’ordre de la psychose névrotique. »
Cas particulier 3 : fin de deux citations en même temps
Notez que si les deux citations se terminent en même temps dans l'usage traditionnel, les deux guillemets fermants français sont fondus en un seul. Par contre, dans l'usage moderne, pensez bien à fermer les guillemets anglais et français.
D) Les citations de troisième rang
Enfin, si votre deuxième citation comprend elle-même une citation, dite de troisième rang, Lacroux suggère l’emploi de l’italique plutôt que des guillemets anglais simples. Cela permet de clarifier le texte tout en étant parfaitement compréhensible pour le lecteur.
« Un jour, César m’a confié qu’il avait “tout fait pour accaparer le
pouvoir, je cite, en raison d’un traumatisme tout ce qu’il y a de plus
freudien, que le médecin qualifie de psychose névrotique aggravée qui
risque d’en faire voir de toutes les couleurs aux Gaulois”. »
Cas particulier 4 : incises
Les incises courtes sont possibles au sein d’une citation sans rompre les guillemets. Dans l’exemple précédent, c’est le cas de je cite, qui est un commentaire du locuteur qui cite César. Si l’incise est longue ou introduit des deux-points, interrompez les guillemets que vous reprenez ensuite.
3. La ponctuation
Vous avez pu le constater avec mes exemples précédents, la place de la ponctuation varie beaucoup.
Elle suit en fait des règles qui sont très logiques.
A) Les phrases complètes
Retenez que dans le cas d’une citation qui forme une phrase complète, et qui peut souvent être introduite par deux-points, alors la ponctuation se place à l’intérieur des guillemets, avant le guillemet fermant. D’ailleurs, ces phrases complètes sont facilement identifiables : elles commencent par une majuscule (à ne pas oublier).
Elle m’a dit : « C’est une phrase complète. »
B) Les morceaux de phrase
À l’inverse, dans la plupart des cas, la citation ne forme pas une phrase complète. On peut retrouver des bouts de citations au milieu d’une phrase comme ici :
Elle m’a dit de « me dépêcher ». Et « plus vite que ça ! », a-t-elle ajouté trente secondes plus tard.
Ici, la ponctuation n’apparaît pas dans la citation (me dépêcher), sauf dans le cas particulier où elle serait indissociable du propos rapporté (et plus vite que ça !, pour marquer le ton). Dans ce dernier cas, la ponctuation ne termine pas la phrase, qui se poursuit normalement.
Cas particulier 5 : choix de la ponctuation
Si le morceau de citation termine la phrase avec un signe de ponctuation qui serait différent, à vous de choisir ce qui vous semble le plus logique en fonction du contexte.
Elle a m’a dit de « me dépêcher » !
Cette phrase ci-dessus signifie que c’est le locuteur qui rapporte la citation qui s’exclame : la ponctuation est à l’extérieur des guillemets.
Elle m’a demandé que je fasse « plus vite que ça ! »
Le locuteur rapporte ici le ton de la personne qu’il cite : la ponctuation est à l’intérieur des guillemets et on n’ajoute aucun signe après.
Si le début de la citation est fondu dans le texte, la ponctuation se place à l’extérieur des guillemets.
Elle m’a dit que « César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir ».
Enfin, on applique la même logique pour les citations de deuxième rang.
J’ai lu : « Elle a affirmé que “César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir”. »
Dans cet exemple, la citation forme une phrase complète introduite par deux-points. Elle commence par une majuscule et se termine par la ponctuation à l’intérieur des guillemets de premier rang, mais à l’extérieur des guillemets de deuxième rang (puisque cette dernière est une citation dont le début est fondu dans la première citation).
Je lis qu’« elle a affirmé que “César était devenu un fou dangereux à cause de sa soif de pouvoir” ».
Dans cet autre exemple, le début de la première citation est fondu dans la phrase principale : la ponctuation est à l’extérieur des guillemets.
Retenez que seule la ponctuation qui fait partie intégrante d’une citation se place à l’intérieur des guillemets.
4. Les références
Qui dit citations, dit références. C’est simple : elles se composent entre parenthèses, avec leur propre ponctuation si la citation se termine elle-même par une ponctuation.
Et il dit : « Veni, vidi, vici. » (Jules César.)
Mais :
Encore une phrase célèbre que ce « veni, vidi, vici » (Jules César).
En résumé
Les citations sont encadrées par des guillemets français et, dans le cas d’une citation de deuxième rang, possiblement par des guillemets anglais doubles.
Si la citation correspond à une phrase complète, elle commence par une majuscule et se termine par un signe de ponctuation placé à l’intérieur des guillemets.
Si la citation est partielle, ou que le début est fondu dans une phrase, la ponctuation se place généralement à l’extérieur des guillemets, sauf si elle est indissociable de la citation.
Sources
Antidote 11, version 3.1.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
Lacroux, Jean-Pierre, Orthotypographie, sous licence creative commons qu’on peut consulter sur http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/, 2007.
Le Petit Robert de la langue française 2023, Paris, Le Robert, 2022.
Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.
08/01/2023
Viens le prendre.
Prends-le.
Le trait d’union ! Encore un signe auquel on prête peu d’attention, et que pourtant nous utilisons tous les jours. Parfois, on ne s’en rend pas compte et tout se passe bien, parfois on peut s’arracher les cheveux avant de trancher s’il en faut un ou non dans un contexte donné.
Aujourd’hui, je reviens sur son usage dans la composition des verbes conjugués à l’impératif, car la règle n’est pas évidente. Je vais vous l’exposer et vous donner l’astuce qui permet de ne plus se tromper.
1. Qu’est-ce qu’un trait d’union ?
2. Qu’est-ce que l’impératif ?
3. Comment utiliser les traits d’union avec les verbes à l’impératif ?
4. Comment éviter les pièges de l’impératif ?
En résumé
Sources
Un trait d'union, c'est un caractère qui prend la forme d’un petit trait horizontal : -
Beaucoup d’utilisateurs d’ordinateurs Windows vous parleront du « tiret du 6 » pour le désigner.
Pourtant, il ne faut pas confondre le trait d’union et les tirets.
Le Robert nous informe que le premier sert de « liaison entre les éléments de certains composés […] et entre le verbe et le pronom postposé ».
À l’inverse, le tiret, plus long et de longueur variable, sépare des éléments au sein d’une proposition ou marque le changement d’interlocuteur dans un dialogue. De fait, trait d’union et tiret ont un usage opposé !
Voici le tiret demi-cadratin : –
et le fameux tiret cadratin des dialogues : —
Trois longueurs, trois caractères, beaucoup d’usages différents !
Plus clairement, Antidote nous dit que le trait d’union établit « une unité lexicale ou grammaticale entre les éléments qu’il relie ». L’unité lexicale est retrouvée dans les mots composés, comme grand-père et l’unité grammaticale dans plusieurs contextes, dont celui des verbes à l’impératif.
L’impératif est un mode personnel non temporel qui permet au verbe d’exprimer un ordre, un conseil, une prière, une interdiction, une suggestion… C’est une forme de verbe qui ne se conjugue qu’à la deuxième personne du singulier et aux première et deuxième personnes du pluriel. Le sujet n’est pas exprimé, ce qui permet souvent de le différencier du présent de l’indicatif.
Mange tes brocolis !
Le sujet n’est pas exprimé, la deuxième personne du singulier ne prend pas de « s » alors que c’est un verbe du premier groupe, le sens de la phrase exprime un ordre : le verbe est à l’impératif.
Les pronoms personnels compléments d’un verbe à l’impératif se placent après lui et y sont liés par un trait d’union.
Mange-les !
Ici, les est complément d’objet direct du verbe manger. C’est un pronom qui complète le verbe, on le lie par un trait d’union.
La règle s’applique à tous les pronoms qui se rapportent à un verbe donné.
Donne-les-moi.
Ici, les est complément d’objet direct et moi complément d’objet indirect du verbe donner. Tous les pronoms sont reliés au verbe par un trait d’union.
Si le premier pronom est élidé et se termine donc par une apostrophe, le trait d’union n’apparaît pas.
Garde-t’en de côté pour plus tard.
La difficulté de cette règle vient d’une subtilité : tous les pronoms à la droite du verbe à l’impératif ne se rapportent pas forcément à celui-ci.
Viens les jeter à la poubelle.
Ici, les est complément d’objet direct du verbe jeter, et non du verbe à l’impératif venir. Il n’y a pas de trait d’union.
Regarde-le les jeter à la poubelle.
La subtilité peut vite devenir complexe quand on multiplie les pronoms. Ici, le est complément d’objet direct de regarder ; il est lié au verbe à l’impératif par un trait d’union. Les est complément d’objet direct de jeter, il n'est pas lié par un trait d'union.
Une méthode simple pour déterminer les pronoms qui se rapportent au verbe à l’impératif est de passer la phrase à l’indicatif. Les pronoms qui se placent alors avant le verbe qui était à l’impératif sont des compléments de ce verbe, ceux qui viennent après n’en sont pas.
Ainsi, si l’on reprend l’exemple précédent, on n’écrit pas :
*Tu regardes le les jeter à la poubelle*
La phrase correcte est :
Tu le regardes les jeter à la poubelle.
Dans cette phrase, seul le pronom placé avant le verbe regarder renvoie à lui et y est lié par un trait d’union à l’impératif.
Les pronoms personnels compléments d’un verbe à l’impératif sont liés à lui par un trait d’union, même si plusieurs se suivent.
Attention aux pronoms compléments d’un autre verbe, qui eux ne sont pas reliés par un trait d’union au verbe à l’impératif.
La méthode pour déterminer de quel verbe un pronom est complément est de passer la phrase à l’indicatif : seuls les pronoms qui se placent avant le verbe qui était à l’impératif sont liés à lui.
LAURENT, N., DELAUNAY, B., Bescherelle, la grammaire pour tous, Paris, Hatier, 2019.
Le Petit Robert 2023, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2022.
« Pronoms : trait d’union après l’impératif », Guide de syntaxe, Antidote 11, version 2.1 [Logiciel], Montréal, Druide informatique, 2022.
04/12/2022
C’est bientôt de saison (vous pourrez relire cet article en août, ça marche aussi), dans ce point rapide je vous parle de congé et de vacances.
Sommaire
1. Congé et congés
2. Vacances et vacance
3. Conclusion
Sources
(Tout un programme.)
1. Congé et congés
On m’a récemment demandé comment écrire « jour de congé » au pluriel.
Devons-nous ajouter un « s » partout ? Nulle part ? Bonne question quand il s’agit de les poser…
Eh bien, sachez que pour désigner une permission de s’absenter, de quitter temporairement le travail pour une personne, le mot congé reste singulier dans la plupart des expressions.
Je prends quelques jours de congé entre le 26 et le 31 décembre 2022.
(Ceci est une vraie information.)
Vivement que je sois en congé !
C’est valable pour toutes les locutions de type congé sabbatique, maternité, sans solde, maladie, etc.
La seule exception notable est représentée par les congés payés, locution consacrée par la loi qui est au pluriel.
Bien sûr, si vous désignez une multitude de congés (pour plusieurs personnes par exemple), marquez le pluriel.
Les congés maladie se multiplient à cause de la politique managériale délétère.
2. Vacances et vacance.
Contrairement aux jours de congé, les vacances sont toujours au pluriel pour désigner le temps de repos, de cessation du travail.
Une semaine de vacances ne me fera pas de mal !
Vivement les vacances d’été ! J’ai pris une location dans un village de vacances.
Si vous lisez vacance au singulier, cela désigne l’état de quelque chose qui est vacant, vide. Par exemple, une chaise autour d’une table.
La vacance du poste de DRH depuis plus d’un an n’a pas nui à l’entreprise.
3. Conclusion
Pour désigner la période pendant laquelle on ne travaille pas, on parle de jours de congé (sans « s » à congé, donc) et de vacances (toujours au pluriel).
Sources
CLAEREBOUT, M.-F., Optimiser son score au certificat Voltaire, Paris, PUF, 2019.
Le Petit Robert de la langue française 2023, Paris, Le Robert, 2022.
04/11/2022
J’ai le plaisir de corriger régulièrement des romans de fantasy ou de science-fiction, et ça tombe bien, j’adore ça. Je prends à cœur d’intégrer des remarques d’ordre linguistique pour assurer l’homogénéité de vos univers, parce que je considère que c’est un socle fondamental qui sert la crédibilité de l’œuvre. C’est pourquoi je voulais partager les points qui reviennent le plus souvent dans mes annotations, ainsi que des pistes que vous pourrez choisir de suivre pour vos prochaines créations.
Cet article s’adresse à vous, adeptes, auteurs et autrices de littérature de l’imaginaire. Qui n’a pas hésité en déclinant un nom inventé pour en faire un adjectif ? Qui n’a jamais été perdu par des mots propres à l’univers que nous parcourons des yeux parce que les terminaisons ajoutées n’avaient aucun sens ?
Aujourd’hui, je vais m’attarder sur les points qui me semblent importants pour assurer une certaine cohérence linguistique à son récit, qui en sort enrichi.
Il s’agit d’un article d’opinion, comme l’était celui sur le Certificat Voltaire que vous pouvez retrouver ici. De fait, n’hésitez pas à être en désaccord avec moi, et j’omets sans aucun doute des éléments qui vous tiennent à cœur...
1. Travailler les graphies
2. Former les adjectifs
3. Créer des mots de toutes pièces
4. Mener des recherches étymologiques
5. Conclusion
Sources
Lorsqu'on invente ou reprend un nom à son compte, on détermine rapidement s’il convient d’ajouter une majuscule initiale ou non. Pour ceux des personnages, par exemple, c’est très facile de se souvenir qu’ils en prennent une. Et les traits d'union ? Et la correspondance phonétique ? Pas évident !
Qu’en est-il si l’on forme un titre honorifique ou qu’on évoque quelque chose par une périphrase ? Ou tout simplement quand on utilise un titre qui existe déjà, mais qui indique une réalité précise dans l’univers que l’on crée ?
Les maîtres mots pour travailler vos graphies sont liberté et cohérence. Peu importe si vous écrivez « la grande-duchesse du bois des Fées » pour désigner « Gruntilda l’éloquente », du moment que vous vous tenez à la place du trait d'union et des majuscules (sauf, bien sûr, si l’intrigue entraîne un changement ou qu’un personnage veut volontairement modifier l’importance qu’il accorde à un autre).
Peut-être que vous écrirez plus loin, sans y penser, « Grande Duchesse du bois des fées, Gruntilda l’Éloquente » ou « grande Duchesse du Bois des fées », allez savoir. Mieux vaut éviter et réfléchir à l'harmonisation en amont de l'écriture.
Essayez de conserver cette logique pour les traits d'union et pour les manières d'écrire des mots qui semblent voisins, susceptibles d'être prononcés par vos personnages d'une certaine façon.
Veillez à l’harmonisation de vos graphies tout au long du texte, sauf si une modification est justifiée.
Alors, comment assurer la cohérence quand on utilise une quantité folle de termes, de noms propres, de titres honorifiques, etc. ?
Réfléchissez à ce que les majuscules, les traits d'union et même la manière de prononcer les mots signifient dans votre univers. Pourquoi ne pas mettre de majuscules à « grande duchesse » alors que l’on vient d’en accorder une au « Grand Comte des Dragons » ?
C’est valable pour tout : si vos personnages parlent du « Château » pendant tout le livre, mais que vous laissez une ou deux occurrences du « château », comment feront vos lecteurs pour comprendre qu’il s’agit du même lieu ? Si le « Château » en question désigne un lieu précis, important, identifiable par les personnages, alors gardez la majuscule.
Si les incohérences n’ont pas de raison d’être – sachant qu’il est parfaitement possible qu’une incohérence soit réfléchie –, pensez à harmoniser vos graphies pour que vos choix dénotent un monde construit et crédible.
Pour ce faire, prenez des notes, arrêtez vos décisions et intégrez-les à vos fiches de personnages afin de vous faciliter le travail.
Le deuxième point à garder en tête, c’est que les adjectifs tirés de noms propres, inventés ou non, sont avant tout des adjectifs ! Ils perdent la majuscule et varient en genre et en nombre (si vous ne choisissez pas de les rendre invariables).
« Cette Française est autrice, elle écrit des thrillers. »
« Cette autrice française écrit des thrillers. »
Dans la seconde phrase, « française » est adjectif et perd la majuscule.
Si nous revenons à notre chère Gruntilda l’éloquente, on prendra garde d’écrire qu’elle est « du bois des Fées » – si « Fée » désigne un peuple –, mais qu’elle dirige « le peuple fée ». Je lis trop souvent des noms de peuplades sans majuscule et des adjectifs qui en prennent sans aucune raison !
« Les Fées ont un goût prononcé pour le fromage. »
« La culture fée est très axée sur le fromage. »
Et dans le cas d’un adjectif qui pourrait prendre la marque du féminin ? À vous de trancher, vous êtes libres, mais encore une fois, restez cohérent·e·s pendant tout le texte.
« Les Dragons préfèrent le chocolat »
« La culture – choisissez “dragon”, “draconique”, voire “dragonne” (pourquoi pas ?) – déifie le chocolat. »
L’important est de donner du sens à ce que vous écrivez. Prenez soin de vos adjectifs, ils enrichissent votre univers.
Dans le cas des noms ou adjectifs complètement inventés, je lis souvent l’invariabilité ; soit parce que l’on ne pense pas forcément à décliner ses mots, soit par facilité – ce qui est tout à fait valable et même recommandé avec certaines terminaisons.
Mais dans le cas de la variabilité, le plus simple est d’appliquer les règles classiques du français :
« Le territoire bloublou comprend quantité de vignobles. »
« La reine des Bloublous aime le jus de raisin. »
« La reine bloubloue aime le jus de raisin. »
Mais rien ne vous empêche d’écrire « La reine des Bloubloux » et « la reine bloubloute » si vous préférez !
Personnellement, j’aime aussi quand l’auteur invente un système propre à son monde, différent du français :
« La reine des Bloubloubih aime le jus de raisin. »
« La reine bloublouba aime le jus de raisin. »
Ici, la terminaison -bih est un pluriel alors que la terminaison -ba est un féminin. Dans cet univers et pour désigner des peuples dans cette langue, c’est la règle. Et c’est parfaitement acceptable, du moment que l’auteur·ice reste cohérent·e et respecte ce qui est déjà déterminé. Bien sûr, vous pouvez sciemment choisir de bouger les règles en fonction de dialectes ou d’autres contextes (attention néanmoins à ne pas noyer le lectorat).
Vous avez peut-être entendu parler de J. R. R. Tolkien, créateur d’Arda et de toute sa mythologie. Eh bien, sa passion pour la linguistique – qui était aussi accessoirement son métier – n’est pas étrangère à la cohérence de la Terre du Milieu et des différentes langues que parlent les nombreux peuples. Non content d’inventer une multitude de dialectes, il les a fait évoluer dans son univers en fonction du temps et de l’espace, en dotant chacun d’une histoire, de règles grammaticales, d’un vocabulaire et d’usages spécifiques. Tout a un sens, la cohérence est folle et une bonne partie de ses créations proviennent de recherches sur des langues réelles, parfois anciennes. Ainsi, le terme « Arda », qui désigne le monde chez Tolkien, peut venir de l’arabe et de l’allemand.
Bien sûr, peu nombreux sont celles et ceux qui peuvent approfondir les langues au point de concevoir un univers linguistique de cette envergure, mais je pense qu’il est parfaitement légitime de réfléchir au sens que l’on donne à nos créations. Je vois parfois des sites qui proposent des « générateurs de noms » de telle ou telle culture. Il suffit d’y piocher pour ne pas se casser la tête et disposer de la liste complète des personnages de son prochain livre qui s’inspirera de la culture en question. Cette solution est viable, mais ne serait-il pas plus intéressant à la fois pour l’auteur·ice et pour l’univers créé de disposer de vocables cohérents ? N’hésitez pas à former vos mots inventés en prenant des dictionnaires de langue pour tenter de souder plusieurs termes. Par exemple, si vous écrivez un roman inspiré de la culture indienne, vous pouvez donner à une figure d’autorité un nom composé de mots qui signifient « grand » et « seigneur » (ou de « laid » et « roi » par exemple, en fonction du personnage) tout en ajoutant votre propre système étymologique.
Avec cette méthode, qui demande du temps, les possibilités sont infinies et vous constaterez qu’une cohérence de forme et de fond naît de tout le travail que vous abattez.
Vous l’avez compris, ce que je voulais vous écrire dans cet article, c’est que vous êtes libres de créer tout ce que vous imaginez ; avec réflexion et surtout cohérence au sein d’une même œuvre. Définissez des graphies et des déclinaisons, inventez des mots, faites-les vivre et enrichissez vos univers.
Lexique des règles typographiques en usage à l’imprimerie nationale, Imprimerie nationale, 2002.
... et mon expérience récente !
Sur moncorrecteur.net, en plus de la correction professionnelle de tous vos textes, je propose quelques astuces avec ce blog pour répondre aux questions que vous vous posez sur la langue française.